Aller au contenu principal
Actualités

Cercle Caritas : Intelligence Artificielle, éthique et philanthropie

Cercle Caritas : Intelligence Artificielle, éthique et philanthropie

Le 7 avril 2025, la Fondation Caritas France organisait un échange autour des enjeux éthiques de l’intelligence artificielle, de son utilité et des applications pour le monde associatif et des responsabilités de l’écosystème philanthropique. 

Trois intervenants nous ont apporté leurs lumières : 

  • Le Père Éric Charmetant – Jésuite, doyen de philosophie (Facultés Loyola Paris), offrant une analyse philosophique et anthropologique ; 
  • Frédéric Bardeau – Président cofondateur de Simplon.co, une start-up sociale qui permet à des personnes éloignées de l’emploi (des personnes non diplômées, des femmes, des personnes en situation de handicap, des réfugiés, des jeunes issus de quartiers défavorisés, etc.) de se former gratuitement aux métiers techniques du numérique, nous a apporté sa  vision pratique des enjeux pour le secteur associatif ;
  • Peggye Totozafy de l’European AI & Society Fund, spécialisée sur les impacts systémiques de l’IA et ses implications pour les philanthropes nous a guidé dans les implications pour l’écosystème philanthropique

Les intervenants ont chacun souligné la nature ambivalente de l’IA, pouvant être à la fois au service du bien commun et vecteur de créativité mais également porteuse de risques dans les usages qui peuvent en être faits.

Frédéric Bardeau a souligné la dimension inclusive de cette nouvelle technologie ; elle ne nécessite pas de compétence technique particulière a priori et elle peut délivrer ses résultats dans différentes langues et via différents supports (écrit, audio, image…) : « C’est la première fois dans l’histoire de la technologie avec l’IA générative qu’on a une technologie qui est extrêmement inclusive. Ca veut dire qu’on n’a plus besoin de maîtriser la programmation informatique, des outils technologiques, l’outil est son propre mode d’emploi… Ça peut se commander à la voix, c’est multilingue et multimodal. C’est à la portée de tout le monde.« 

Dans le même temps, une réflexion approfondie sur les fondements éthiques de son développement et de son application n’en demeure pas moins impérative. Le Père Charmetant insistant ainsi sur la distinction cruciale entre la manipulation symbolique des algorithmes (ce que fait l’IA) et la compréhension sémantique propre à l’intelligence humaine. Il a également souligné la responsabilité humaine face à cette technologie mettant en garde contre une potentielle érosion de la pensée critique et de la capacité de discernement : « Le souci est de savoir si l’usage de l’IA deviendra très problématique pour la liberté humaine ou au contraire, s’il peut être au service de l’humanité et du bien commun. »

L’impact de l’IA sur le marché du travail a également fait l’objet d’une attention particulière, notamment en ce qui concerne les populations les plus vulnérables et les métiers peu qualifiés. Peggye Totozafay a ainsi pointé les emplois abusifs nécessaires à “l’entraînement” des IA. Elle a également a évoqué la possible transformation des trajectoires professionnelles, y compris pour des rôles initialement considérés comme qualifiés. Les intervenants ont insisté sur l’importance d’anticiper les conséquences sociales de l’automatisation due à l’IA en imaginant des solutions pour que les richesses soient mieux réparties et éviter que l’IA ne creuse davantage les inégalités existantes.

Frédéric Bardeau a apporté une nuance optimiste : « Il y a une petite lumière d’espoir : si ça se confirme que plus on acculture les gens et plus on les forme à ces technologies-là, plus ils vont faire des tâches qui sont peut-être plus intéressantes et en tout cas plus qualifiées que celles qu’ils auraient pu faire liées à leur niveau de qualification initiale. »

La dimension écologique a constitué un autre axe central de la discussion. Les intervenants ont souligné la consommation énergétique substantielle associée au développement et au déploiement de l’IA, tout en reconnaissant son potentiel en tant qu’outil au service de la transition écologique. Un plaidoyer pour une sobriété dans les usages et le développement des algorithmes a été exprimé, insistant sur la nécessité d’arbitrages éclairés face aux impératifs environnementaux.

Peggye Totozafy a enfin souligné la nécessité de ne pas surestimer l’IA : « Il y a un risque à dire c’est maintenant, c’est tout de suite, ça va changer l’économie, ça va changer le monde, il faut essayer de ne pas tomber dans l’exceptionnalisation systématique des questions d’intelligence artificielle. »

En conclusion, un appel commun a été lancé en faveur d’une action collective et concertée. Les fondations ont été encouragées à soutenir les initiatives de la société civile œuvrant pour une IA éthique et inclusive. L’importance d’une acculturation et d’une éducation aux enjeux de l’IA a été soulignée, de même que la nécessité d’un engagement citoyen pour orienter le développement technologique vers le bien commun et le respect des limites planétaires. La conviction partagée était qu’une approche réfléchie et collaborative est essentielle pour naviguer dans les complexités de l’intelligence artificielle et garantir un progrès véritablement bénéfique pour tous.